Janvier 2022

par Stéphanie Turcotte

Eustoma grandifolia, une fleur douce, tantôt chiffonnée, tantôt crêpelée, dont on méprend parfois les pétales délicatement superposés pour ceux d’une rose. On l’aime pour son aspect romantique, sa tendresse, sa finesse, mais également parce qu’une fois coupée, elle nous accompagne longtemps en vase.

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Il y a deux ans, j’ai décidé d’ajouter à ma production le fameux lisianthus. Cette fleur qui, bien que louangée en floriculture, donne des maux de tête à nombre de cultivatrices. J’ai lu dans un premier temps que sa germination nécessitait des conditions particulières, que sa durée de croissance constituait un facteur de risque à l’apparition de maladies, qu’il était fortement conseillé de cultiver sous serre, qu’une bonne longueur de tige était difficile à atteindre, etc. Malgré tout, je me suis dis que j'allais tenter ma chance. 

La première année, j’ai donc préparé mes semis de lisianthus, tête baissée, comme s’il s’agissait de n’importe quel autre semis. Évidemment, rien n’a poussé… Bon. Je me suis encore — laissée piéger par ma kakorrhaphiophobie. Subir un échec fait moins mal à l’estime lorsqu'on n’a pas tout donné pour réussir... Bref, visiblement, le moindre séchage entre les arrosages n’a pas eu l’air de faire plaisir aux semences assoiffées de lisianthus, qui ne demandaient qu’à boire.

L’année suivante, j’ai décidé de leur consacrer un peu plus d’attention, en sollicitant notamment l’avis d’expertes (lire ici d’autres fermières/fleuristes du coin). Elles ont tellement d’expérience et de savoir, et il semble que ce bagage va très souvent de pair avec le plaisir sincère de partager! J’ai donc grappillé quelques infos supplémentaires avant de mettre en place un plan de culture un peu plus détaillé. Cette fois, du moins, dans mon livre à moi, succès!

Je dépose donc ici quelques bribes de mes récents acquis pour l’obtention de lisianthus «pas pire pantoute».

Le lisianthus est une fleur qui demande une longue période de croissance avant de fleurir. On les part donc très tôt, environ 12 semaines avant le dernier gel. Mon dernier gel, je l’estime grosso modo autour du 15 mai. Je joue safe, j’apprends de mes erreurs. Une année, j’ai planté plus tôt — on annonçait des températures très douces, au-dessus des normales de saison. Vous voyez ou je veux en venir; 4 jours après avoir planté, le mercure a chuté à -3 et j’ai perdu la moitié de mes plants… 

Éclairage

C’est donc en janvier que je commence les semis de lisianthus. Cette étape se déroule à l’intérieur, sous des lampes standard: des néons (blanc froid) sur socle de 4pi, que je programme pour 14h de lumière par jour. Un jour, j’aurai une serre extérieure chauffée où je pourrai débuter l’ensemble des semis!

Semis

Je prépare ensuite des plateaux (72 trous) avec du terreau pour semis. Je m’assure d’humecter la terre, puis je plante environs 3 semences par ouverture, en laissant les semences à la surface (la lumière étant nécessaire à la germination du lisianthus). Je presse légèrement la semence dans la terre pour m’assurer que la radicule s’ancre plus facilement. La germination se produit dans les 10 à 15 jours suivants, mais pas de panique si ça prend un peu plus de temps; la première année, j’ai observé ce phénomène près de 20 jours plus tard! J’ajoute également de la vermiculite sur la terre pour réguler l’humidité. Au terme de la germination, je repique les lisianthus qui ont germé (1 seul par compartiment).

Arrosage

L’arrosage: jamais par-dessus! Puisque les semences sont en surface, ça risquerait de les déplacer et de les empêcher de germer. Je les arrose donc par en-dessous 1 fois aux 2 jours (ou lorsqu’il n’y a plus d’eau dans le contenant). Par contre, je vaporise délicatement 2 fois par jour, jusqu’à la germination, puis 1 fois aux 2 jours par la suite (ou au besoin). Il ne faut pas laisser sécher les semences, ni les sur-arroser…

Engrais

Pendant la germination, l’engrais n’est pas nécessaire; la semence contient toute l’énergie nécessaire à son développement (avec l’apport de l’eau et de la lumière, bien sûr). Après la germination, j’ajoute de l’engrais aux 2 semaines dans l’eau de la bassine des semis. 

Au jardin

Vers la mi-mai, lorsque les plants sont assez vigoureux, je remplis ma petite voiture d’un maximum de plateaux de semis prêts à être mis en terre, puis je me rends au jardin. L’an passé, j’ai planté mes lisianthus en plein champ. Cette année, je compte les planter sous tunnel, principalement pour protéger les fleurs de la pluie, mais aussi pour les planter possiblement un peu plus tôt.

Le jardin est situé sur une parcelle de terre dite argileuse. Pour décompacter et nourrir le sol en prévision du printemps suivant, j’ajoute chaque automne sur certains rangs un mélange de terre noir et de compost, ainsi que du fumier de poule. À l’arrivée du printemps, il ne me reste plus qu’à passer la grelinette, mettre en place l’irrigation et les toiles géotextiles, puis planter. La distance conseillée entre les plants de lisianthus est d’environ 6 pouces.

Jusqu’à présent, je n’ai pas ajouté d’engrais au lisianthus au courant de l’été. Il paraît que le fumier de poule en granules augmente la qualité du plant, j’en ajouterai peut-être cette année. L’an passé, j’ai obtenu des plants d’environ 12 pouces, ce qui me convenait parfaitement; cette année je vise le 15 pouces ;).

Bien sûr, tout ça se fonde sur mon expérience personnelle avec le lisianthus et sur les lectures que j’ai faites sur le sujet. Ma technique est sujette à évoluer avec les années, pour le mieux.

À propos des sources, le site Johnny Seeds est à mon avis l’un des plus accessibles, avec le plus d’informations intéressantes et vérifiées au sujet de la culture des fleurs coupées.